archive LE CAS DE WISSOUS JUILLET 1967
"Je sais que si je raconte mon histoire, je passerai pour un désaxé. Et pourtant, je n'invente rien. J'ai vu une lueur aveuglante... Puis deux formes imprécises qui se sont enfuies après m'avoir neutralisé. Je ne croyais pas aux soucoupes volantes ni aux aventures de science-fiction. Je ne tire aucune conclusion... Je me borne à expliquer le spectacle dont j'ai été le témoin et à tenter de comprendre ce que j'ai éprouvé..."
L'homme qui parle ainsi est M. L.M..., représentant. C'est un sportif de 40 ans, parfaitement équilibré: 1 m 80, fervent de catch et d'haltérophilie.
- Je ne bois pas. Je suis végétarien, car dans mon métier, il me faut garder la tête froide. Ma vie est sans histoire et je ne me laisse pas impressionner ni par les romans ni par le cinéma. Mais cette fois, je ne comprends plus... Ecoutez...
L'extravagante histoire de M. L. M..., a commencé avant-hier.
- Je suis propriétaire de deux jardins, clos de hauts mirs, près du cimetière de Wissous. En temps normal, nul ne s'y rend, hormis un ancien de la division Leclerc qui vient surveiller les arbres fruitiers. Moi même, à la période des récoltes, je pousse une pointe pour mes groseilliers et mes abricotiers. Or hier...
L'homme hésite un instant, comme pour rassembler avec un maximum de précision ses souvenirs. Il revit en pensée sa folle journée de mercredi.
Il est 12 h 30. De l'aéroport d'Orly tout proche, les Boeings et les Caravelles prennent leur envol et grondent dans le ciel. M. L. M... monte vers le vieux Wissous, avec ses rues pavées, ses maisons anciennes datant de l'époque où il n'était qu'un village. Il n'y a personne à cette heure dans le secteur du cimetière et de l'école déserte. Personne pour voir les hautes herbes dans les jardins à l'abandon. Personne pour écouter les pas de M. L.M... qui - par habitude - va "jeter un oeil" sur ses arbres.
- J'ai ouvert la porte de mon jardin et j'ai été surpris de voir dans une des cabanes que j'y avais construites une lueur très vive, verdâtre, semblable à celle que produisent les chalumeaux pour la soudure autogène. J'ai pensé que le soldat de Leclerc à qui j'ai confié les clés bricolait à l'intérieur d'un des ateliers. J'approchais de la porte et soudain, un éclair verdâtre, plus puissant que ceux de l'orage, m'aveugla. L'énergie qui semblait l'accompagner me coucha par terre et me rendit aussi passif qu'un paralysé. Alors....
Alors M. L. M..., dans une semi-léthargie, vit sortir deux formes argentées, imprécises!
- Avaient-elles déclenché contre moi la lumière verte? Je n'ignore pas que le seul fait de poser cette question fera douter de mes facultés. J'étais à terre, annihilé, et pourtant conscient. Je les ai vues passer le mur pour atteindre le second jardin dont je suis également propriétaire... après leur départ je retrouvais assez de force pour me rendre dans la direction par où elles avaient fui. Il n'y avait sur le mur de pierre aucune trace d'escalade, et dans le second jardin, où les orties sont hautes, aucune marque de passage... rien que deux sillons, à cinq mètres environ du mur franchi. Deux sillons semblables à ceux laissés par des skis dans la neige. Deux sillons en forme de V.
- Après cette aventure, je me suis rendu chez un médecin. Il a diagnostiqué une très forte commotion. Le soir, un de mes amis, physicien à Saclay, à qui j'ai exposé mon étonnante rencontre, eut la curiosité de me tester au compteur Geiger: j'avais reçu une dose redoutable de radiations qui pouvaient détecter les appareils de mesure, mais qui, m'a-t-il dit, sont très différents des signaux émis par la désintégration atomique.
Hier matin, cette radio-activité si particulière dont avait été atteint M. L. M. avait diminué de 30 %.
- Je ne l'explique pas plus que la présence et la fuite des deux êtres argentés ou les traces de skis dans l'herbe haute. J'apporte un témoignage. Sans plus.
Le représentant de Wissous qui, dans la pleine force de l'âge, essaie de raisonner en individu lucide, n'émet aucune hypothèse. Il a, bien sûr, d'abord pensé à des voleurs de fruits. Mais l'absence totale de traces sur un mur défendu par des fils de fers fragiles va à l'encontre d'une telle explication; puis, en raison de la proximité des pistes stratégiques d'Orly - à une visite d'observateurs clandestins. Il n'écarte, enfin, pas l'intrusion d'extraterrestres.
- En d'autres temps, j'aurais tout nié. Mais j'ai vu. J'ai été frappé par la lumière verte. Je cherche l'explication, même au-delà de ce qui est couramment admis.
Le Parisien Libéré 24 juillet 1967